Archives bien sauve(gardées)
Au moment où les archives, documents et data, conservés par Labgroup pour ses nombreux clients, s’apprêtent à intégrer une nouvelle « forteresse » à Grass, nous avons rencontré Bernard Moreau qui dirige l’entreprise depuis plus de vingt ans. Il nous explique la mue du métier de l’archivage, en parallèle des nombreuses évolutions réglementaires et technologiques des dernières années.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et nous dire ce qui vous a amené à co-fonder Lab Luxembourg en 1999 ?
En fait, j’ai repris l’entreprise en 1999 mais celle-ci avait été fondée en 1977 par des cousins à moi. A l’époque, Lab sarl louait des espaces de stockage à des professionnels ; c’était quasiment une activité immobilière. Puis des services de conseil sur la façon de bien stocker des archives ont été rajoutés, permettant au client d’optimiser son stockage et d’aller jusqu’à doubler la quantité de documents sur une même surface. Personnellement, rien ne me prédestinait à ce métier. J’ai fait des études de médecine avant de me réorienter vers le commercial. Après mes études, j’ai brièvement travaillé dans une imprimerie appartenant aux mêmes cousins, j’ai voyagé, puis je me suis mis à mon propre compte, sous le statut de Travailleur Intellectuel Indépendant. J’ai participé à divers projets, dont le lancement de la société de services internet Perceval. En 1999, un des cousins a souhaité se désengager de Lab sarl et j’ai repris l’entreprise avec l’autre cousin. Archiver des documents n’est pas une passion, mais ce qui est amusant est d’inventer la façon de faire évoluer ce métier. L’une des premières évolutions a été de remplacer les petits espaces fermés, loués à chaque client par un grand espace, à l’organisation optimisée, permettant de mutualiser les coûts et de ne facturer à chacun que l’espace réellement utilisé. Par la suite, nous avons proposé un service d’inventaire des documents stockés, d’abord sur disquette, puis sous forme d’une application internet sécurisée, ArcStore, qui existe toujours et que nous continuons d’améliorer pour lui ajouter des fonctionnalités et proposer de plus en plus de services.
Votre famille est d’origine anversoise, pourquoi avoir créé la société au Luxembourg ?
Mon cousin avait la fibre commerciale. Il vendait toutes sortes de fournitures dans toute la région, en étant sans cesse sur les routes. A un moment, il a traversé la frontière pour aller vendre du papier Télex aux banques du Luxembourg qui en consommaient beaucoup et il s’est aperçu que la plupart d’entre elles étaient à l’étroit dans des appartements du boulevard
Royal. Alors il a eu l’idée de créer cette activité de location d’espaces de stockage sécurisés pour le secteur financier. Il devait nécessairement le faire au Luxembourg car les documents bancaires ne pouvaient pas quitter le territoire national.
L’archivage classique n’est vraisemblablement plus le métier numéro un de l’entreprise. Vers quoi votre offre évolue-t-elle ?
En fait l’archivage classique est encore notre première activité en termes de chiffre d’affaires mais ce ne sera plus vrai longtemps. Le stock de papier continue d’augmenter mais plus lentement qu’avant. Cela fait déjà 25 ans que nous anticipons la fin du papier et que nous nous efforçons d’être précurseurs pour trouver de nouveaux marchés. Cela a commencé par la numérisation de document, ce qui rend les recherches dans les archives beaucoup plus aisées, y compris par plusieurs personnes simultanément. Puis nous nous sommes intéressés très vite au stockage des données. Nous l’avons d’abord proposé sur des disques optiques avec une garantie de 50 ans. Aujourd’hui nous allons vers la sauvegarde en ligne de données encryptées. Nous allons petit à petit vers un monde où on arrêtera de produire du papier voué à la destruction et où tous les process professionnels passeront par des documents dématérialisés, authentifiés et ayant un statut juridique reconnu. Tous les acteurs économiques ne sont pas encore mûrs pour cela, mais nous participons à leur éducation.
Les évolutions réglementaires rapides en matière de protection des données représentent-elles des opportunités ou des contraintes pour vous ?
Le fait que nous travaillons depuis le début avec le secteur financier fait que nous ne craignons pas les réglementations strictes. Au contraire, nous adhérons aux certifications les plus pointues. Nous disposons évidemment de la certification PSF et nous avons été le premier à détenir la nouvelle certification PSDC (Prestataire de Services de Dématérialisation et/ou de Conservation) qui nous permet de conserver des documents électroniques jouissant d’une valeur légale, mais aussi de dématérialiser non seulement les documents papier, mais aussi les flux de travail et de la sorte de ne plus passer du tout par l’étape papier. C’est un atout incontestable vis-à-vis de ceux de nos clients qui ont besoin de cette certification pour certaines de leurs transactions. La certification PSDC repose en partie sur la certification ISO 27001, norme internationale de sécurité des systèmes d’information dont les critères d’obtention sont extrêmement stricts. Nous avons donc réorganisé entièrement le travail de la société en fonction des exigences de cette norme, en revoyant l’ensemble de nos process. C’est un travail considérable mais cela représente maintenant un réel avantage concurrentiel. Nous avons aussi la certification ISO 9001 pour la qualité et ISO 14001 pour notre système de management environnemental. Par ailleurs, toute notre offre d’archivage étant documenté avec des plans de classement et des plans de rétention (qui indiquent la durée de conservation de chaque document), nous contribuons à la mise en conformité RGPD de nos clients.
La concurrence est-elle très intense dans votre domaine ?
Nous avons des concurrents bien sûr, mais très peu proposent une gamme de services aussi étendue que la nôtre. Certaines sociétés de déménagement se sont mises à proposer de l’archivage ; des sociétés de nettoyage proposent de la destruction d’archives etc. La concurrence est toujours bonne car certains clients ne souhaitent pas acheter tous les services auprès d’une même entreprise. D’autres en revanche apprécient beaucoup de pouvoir passer par nous pour la totalité de la gestion de leurs documents. En ce qui concerne la Data je dirais que le marché est encore en train de se structurer et beaucoup de clients ne savent pas encore très bien comment aborder la question. Pour les aider, nous avons développé un département de consultance qui peut les guider.
Votre entreprise va déménager à Grass au deuxième trimestre 2020. Quelles évolutions votre nouveau site va-t-il permettre ?
Notre déménagement est motivé par plusieurs choses. Tout d’abord, pour que l’activité classique de stockage de documents reste rentable, il faut faire baisser ses coûts, notamment ceux liés aux locaux, et donc s’éloigner de Luxembourg-ville. Les m2 coûtent moins cher à Grass qu’à Munsbach et Contern (sites actuels de l’entreprise ndlr). Ensuite nous allons augmenter notre efficacité en rassemblant toutes les activités sur un seul site. Ce déménagement est aussi une nouvelle occasion de rationaliser nos activités et de nous réinventer, en décidant par exemple de sous-traiter certains services qui ne font pas partie de notre coeur de métier, comme la mise à disposition de positions de repli (via notre partenariat avec Sungard Availability Services) permettant d’accueillir nos clients qui souscrivent à nos services restauration d’activités en cas de sinistre ou Disaster Recovery Services en anglais, ou encore nos datacentres, confiés à Luxconnect qui offre les plus hauts niveaux possibles de service et de sécurité. Le nouveau bâtiment aura aussi une dimension plus « ludique » qui me tient beaucoup à coeur. Par exemple, les corridors y sont larges pour permettre les rassemblements informels, il y a des jeux de fléchettes, une terrasse de 600m2 munie d’une serre dans laquelle les employés pourront cultiver des plantes et nous serons entourés d’un pré fleuri naturel avec des ruches, des clôtures comportant des passages pour les hérissons et un dispositif de récupération des eaux de pluie. Nous voulons montrer l’exemple et créer un effet d’entrainement sur la zone d’activités.
Votre métier est connu pour être gourmand en énergie. Comment conciliez- vous cela avec vos valeurs affichées « planet friendly » ?
Nous sommes très contents que Luxconnect, notre partenaire pour les datacentres, utilise de l’énergie verte. A Grass, l’élément le plus énergivore sera la machine de destruction de documents. Mais sa consommation sera très inférieure à l’énergie produite par les 2500 m2 de panneaux solaires que nous avons installés sur la toiture du bâtiment. Nous avions prévu 600 m2 initialement mais grâce à la nouvelle législation entrée en vigueur en 2019 nous garantissant un bon prix de revente de cette électricité au réseau Creos, nous avons décidé d’investir davantage.
Vos nouveaux locaux sont situés sur la Zone d’Activités de la Région Ouest (ZARO) et vous avez créé une association pour fédérer l’ensemble des entreprises du site. Pourquoi cette démarche ?
Tout d’abord parce que j’estime qu’il faut connaitre ses voisins et créer un climat de convivialité. Ensuite cela permet de parler d’une même voix pour obtenir des dessertes de transports publics ou faire des achats groupés etc. A Grass, la démarche a rencontré un vif succès ; toutes les entreprises sont membres !
« Le nouveau bâtiment de Labgroup aura aussi une dimension plus «ludique » qui me tient beaucoup à cœur.»